Qu'est-ce qui peut bien motiver un artiste à s'orienter vers l'art sacré ?
J'étais très jeune lorsque j'ai découvert Jésus-Christ . . . Et l'art en même temps !... Choc profond qui orientera toute ma vie.
Ce n'est que beaucoup plus tard, après un long cheminement intérieur et de longs échanges avec mes amis moines et liturgistes, que j'ai perdu mes réticences, que s'est imposée à moi l'idée d'être « artiste chrétien »: mettre mon travail et ma recherche artistique au service de l'Evangile et de mes frères et soeurs dans la foi, m'engager dans l'art sacré actuel.
Des communautés chrétiennes soucieuses d'aménager leurs lieux de culte m'ont alors abordé pour que je crée des autels, des ambons, croix, tabernacles, murs de Gloire, baptistères, sièges de présidence et même parfois des chandeliers, encensoirs, patènes ... En 1975, au Canada, j'ai même réalisé l'ensemble « anneau et crosse épiscopale » pour Mgr François Gayot évêque de Cap Haïtien puis archevêque et Président de la Conférence épiscopale d'Haïti.
Durant les dix sept années où j'ai œuvré en tant qu'artiste puis diacre dans la Commission d'Art Sacré de mon diocèse, comme membre et ensuite comme co-responsable, je me suis principalement consacré à réaménager l'espace de célébration liturgique, pour favoriser la beauté de la liturgie, restant soucieux de la place de l'assemblée priante : redonner à celle-ci la possibilité d'être vraiment participante à la liturgie : une assemblée vivante, consciente et active (Sacrosanctum Concilium n°11) dans ses célébrations, dans la fidélité aux orientations du concile Vatican II.
J'ai posé le choix d'utiliser un matériau noble en lui-même, le laiton que je patine très légèrement pour lui rendre toute sa profondeur, dans une noble simplicité. Parfois, il m'arrive d'y associer d'autres matériaux en gardant ce même souci de noble sobriété.
Qui fabrique vos créations ? Faites-vous appel à des intervenants extérieurs ?
Aujourd'hui, de nombreux artistes créent des œuvres sans connaître ni maîtriser les techniques nécessaires à leurs réalisations.
Pour ma part, Je crois fondamental pour bien exprimer mon art, de maîtriser toutes ces étapes : de la création à la réalisation d'une œuvre, ma formation me permet cela : créer et réaliser de mes mains l'intégralité de mon travail.
Le seul intervenant extérieur est mon tourneur auquel je fais appel lorsque nécessaire, pour obtenir des assemblages d'une extrême précision. Ceux-ci nécessitant l'utilisation d'un outillage très pointu qu'il m'est impossible d'amortir dans un atelier d'artiste.
Comment intégrer une œuvre dans le contexte d'une liturgie de l'Eglise catholique avec ses contraintes et ses objectifs ?
Cette question est très complexe et mériterait de s'y attarder longuement. Je vous dirai simplement que cette problématique est d'abord une question de cœur, d'expérience et d'ouverture à ce qui fait vivre au plus intime de l'être. Le concile Vatican II a donné les grandes lignes de la réforme liturgique, pour ma part, j'ai cherché à nourrir ma réflexion sur ce sujet en abordant le travail qui a été réalisé par de grands liturgistes : Romano Guardini, Joseph Gelineau, Louis Bouyer et dans mon pays d'origine l'abbé Mark Delrue, des moines comme les Pères bénédictins Frédéric Debuyst, Fernand Vanheuverswijn, et tant d'autres que j'ai fréquenté dans ma jeunesse monastique belge et pour lesquels la liturgie était le cœur de leur vie.